Que signifie OASP ? Nous avons demandé à Alice et Nicolas qui impriment des images dans la joie sérigraphique à Troyes.
Bonjour Nicolas, bonjour Alice présentez-vous à nos lecteurs. Qui êtes-vous et que faites-vous ?
N : Bonjour lecteurs des internets libres, nous sommes l’atelier oasp.
Sur nos en-têtes, on peut lire « artisans graphistes – éditions en sérigraphie » ou alors « éditions d’art – sérigraphie » ou alors « graphisme calé – sérigraphie décalée » (ou encore l’inverse).
On peut dès lors vous affirmer que nous faisons de la sérigraphie. Et de l’édition. Vous pouvez en être sûrs et certains. Nous sommes tout les deux graphistes indépendants, intervenants, enseignants, artistes, imprimeurs, collectionneurs, éditeurs, médiateurs, faiseurs d’images et faiseurs d’expos.
A : nous avons fait nos études aux Beaux-arts de Rennes et on n’ a jamais réussi à savoir ce qu’on faisait vraiment depuis. À chaque fois qu’on imprime une nouvelle carte de visite, on se repose la question.
N : la prochaine, je me mets cosmologue – spécialiste des galaxies.
Comment est né l’atelier OASP et quelle est votre mission ? Pourquoi « OASP » ? Que signifie ce nom ?
N : OASP veut dire « on aime se promener ». On aime se promener, c’est le nom d’un blog qu’on a créé ensemble.
Ça parle de vieilles enseignes, de typographie vernaculaire, d’archéologie populaire des lettres. On se baladait dans les villes, les villages, en France ou pendant nos vacances ailleurs, on prenait des photos d’enseignes qui nous semblaient intéressantes, et on les montrait à l’internet.
On a piqué l’idée à Jules Vernacular, parce qu’on trouvait ça vachement bien. Et qu’on aime les belles lettres (ou les moches). On terminait nos études, on s’est dit qu’on allait créer un atelier ensemble pour faire des images, du graphisme de commande, ce genre de choses et surtout de la sérigraphie pour imprimer nous même des images. On a juste reprit les initiales de notre blog et rajouter atelier devant.
A : je n’ai rien à ajouter.
N : Ah si, notre mission… C’est du top secret, on peut pas trop en révéler là, mais nous sommes des reptiliens cosmopolites au service du vatican.
L’atelier OASP n’est pas seulement une association, mais une plateforme de partage, d’expérimentation et d’échange entre artistes et techniques artistiques. Dans quelle mesure estimez-vous important l’échange d’expériences et d’informations dans votre métier ?
N : Le mot plateforme me semble un peu trop grand pour nous. Là, je vois une plateforme pétrolière gigantesque qui brasse du gazol H24. ( H24 n’étant pas une marque de gazol, mais une expression plutôt jeune pour dire 24 heures sur 24h, comme certaines stations essence d’ailleurs).
Nous faisons beaucoup de sérigraphie, les autres techniques sont négligeables, mais on lorgne tout le temps sur des RISO, des presses à épreuve, des mini-offset… Néanmoins, pour revenir à la question : l’échange d’expériences et d’informations est primordiale à notre niveau.
Nous n’avons pas suivi un cursus d’imprimeur, nous avons fait les beaux-arts, nous avons été initié à la sérigraphie, ça nous a plu, on a voulu faire pareil que le dernier cri. (éminent atelier de sérigraphie et éditons de Marseille). Du coup, notre base de connaissance était plus arty que technique, ça nous a forcé à demander des infos sur comment faire ci ou ça à des sérigraphes plus pro, des ateliers avec de la bouteille.
Pourquoi ça marche pas, comment ça se fait que ça marche plus comme ça ? Et à force, nous sommes devenus plutôt bons.
A : C’est vrai qu’on a toujours bien aimé l’idée du partage, des travaux collaboratifs, c’est quelque chose qu’on essaye de garder. Ça permet de continuer à se marrer et pas trop devenir des vieux cons enfermés dans notre atelier.
N : je n’aime pas trop rire. Et les jeunes en skateboard sur les trottoirs me cassent les oreilles.
Vous imprimez des livres, des posters et d’autres objets en édition limitée. Aujourd’hui, quelle est la valeur de la « pièce unique » ?
N : La sérigraphie reste à mes yeux une technique de reproduction. Si on commence à dire que chaque tirage est unique, c’est qu’il y a un problème à l’impression et qu’on assume pas le fait qu’on a raté comme des bleus. Tirage limité, pas unique.
Par contre, à force de faire des multiples, on se questionne sur l’unique, et comment détourner ce medium pour produire des œuvres uniques. Mais là, c’est une autre histoire, ça fait parti d’une démarche artistique plus personnelle.
A : C’est ça qui est super avec la sérigraphie, c’est qu’on est sur de la petite série, mais qu’il y a toujours une possibilité d’accident, qui fait qu’on peut avoir des tirages uniques. Moi personnellement la pièce unique bon ça m’ennuie, ça me fait penser à un musée. J’aime mieux la petite série. Sûrement un reste de mon prof d’arts plastiques au lycée M.Cazottes qui nous disait tout le temps de faire des séries. (big up Alain)
N : toutes nos sérigraphies ont d’ailleurs reçu le label QM : Qualité Musée
Nous lisons sur votre site que vous pratiquez le design graphique et la sérigraphie,
Quels sont les avantages de couvrir l’ensemble du processus créatif ? Quels sont les avantages de l’autoproduction ?
N : Couvrir l’ensemble d’un processus de création a quelque chose de jouissif. Et puis, si on se plante à un moment, on sait à qui revient la faute : à nous même. Les avantages de l’autoproduction, c’est surtout le fait qu’on peut faire ce qu’on veut. Nous n’avons pas à chercher des éditeurs, des clients, leur soumettre des idées, assister à des briefs, faire des concessions. L’atelier oasp prend une forme d’éditeur du coup.
Nous allons chercher des gens dont le travail nous intéresse et nous leur proposons de leur imprimer une affiche ou un livre (dans le cas d’un livre, on rajoute par contre notre grain de sel ou de sable, enfin on ajoute un grain su le rouage bien huilé d’un projet). Par contre, il y a des désavantages : c’est beaucoup de travail !
Conception, impression, façonnage, reliure, distribution, management sauvage, presse, diffusion, suivi des stocks en dépôts… Du coup, depuis quelques mois, nous n’avons pas le temps de faire des choses pour nous même.
A : Maîtriser son travail de A à Z c’est à la fois génial et épuisant. Il y a les cotés vraiment amusants comme préparer l’encre, l’excitation de l’image qui apparaît à la première impression, les surprises en cours d’impression (mais ca des fois c’est pas drôle). Après il y a des cotés un peu lourds quand on veut devenir professionnel : gérer la diffusion, la comptabilité, les stocks (bon, ça c’est des fois c’est rigolo parce qu’on peut acheter des trucs débiles comme de l’encre phospho).
Si vous deviez expliquer la sérigraphie à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, que diriez-vous ?
N : on dira que c’est une technique d’impression qu’on utilise pour se substituer à une imprimante jet d’encre parce qu’on a peur des machines. Que ça marche comme des pochoirs mais plus précis. Que du coup, on peut imprimer en vachement plus grand que sur une imprimante personnelle, et avec des couleurs qui claquent.
A : On pourra dire aussi que c’est une technique qui salit les doigts et les habits.
Technique de sérigraphie : quel est le minimum indispensable pour commencer ? Citez quelque chose de facile et quelque chose de difficile à exécuter pour un débutant.
N : le minimum serait une bite et un couteau, avec un tamis, une raclette à vitre, une paire de ciseau et un bout de papier. Qu’avec ça, on peut commencer à tirer des images facilement et rapidement. Par contre, avec cette base archaïque, pas question d’espérer faire de la trame fine et aléatoire en 6 couleurs. Oublie ça gamin.
A : plus sérieusement, un petit chassis, de la peinture acrylique, une petite racle pour tirer et éventuellement de quoi découper un pochoir (a défaut de couche sensible).
Une station de lavage de voiture pas loin de chez soi (pour le karsher). En truc difficile, une image tramée en quadri, j’ai mis un certain temps à comprendre comment ça marchait. En truc facile, découper des formes en papier découpé et inventer des images comme ça. Résultat à fort pouvoir hipster qui enchantera vos amis.
Eau ou plastisol ?
N : eau uniquement. On a un vieux stock d’encre à solvant qui traine à l’atelier. On se reserve ça pour lorsqu’on aura un atelier hyper pro, au rez-de-chaussé, avec un système de ventilation digne des entreprises qui font des micro-processeurs.
A : J’ai imprimé une fois à l’encre à solvant. Plus jamais ça. Par manque d’habitude, j’ai détesté la manipulation et le nettoyage. Par contre le rendu des couleurs bon c’est autre chose j’avoue.
Ou alors il faut de l’encre à l’eau super chère qui fait un super rendu satiné, mais c’est tout un débat entre sérigraphes entre ceux qui sont pour le rendu mat (qui fait cheap) et ceux qui aiment le rendu satiné (qui fait classe).
De toute façon je suis trop une hippie pour utiliser de l’encre à solvant. Mais oui on peut être hippie et sérigraphe. Les êtres humains sont pleins de paradoxes.
Que trouve-t-on dans votre laboratoire ?
N : Une accumulation de spirographes, un traceur HS, trop de chaises de bureaux, une collection de briquets, 350 feuilles prédécoupées d’un ancien projet qui forment une sorte de cube évidé, une louche d’argent, des massacres de cerfs du XIXe siècle, une collection d’aiguille de seringues, une bougie phallus.
A : un lit de bébé aussi, des soupes chinoises lyophilisées, des cartes de crédits périmées pour racler l’encre sur les chassis, des jolis tabliers souillés d’encre, des livres d’art, beaucoup d’affiches échangées dans des salons d’éditeurs, par contre il manque désespérément un canapé dans cet atelier.
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