À l’atelier Sabordage, on imprime des posters, des livres d’art, des tee-shirts… il ne s’agit que de pièces uniques, toutes sérigraphiées à la main. Leur philosophie est la suivante : l’art ne doit pas être réservé uniquement aux personnes qui peuvent se le permettre. Nous avons interviewé Albert et Ar-déco, sérigraphes et dessinateurs de Lille.
Bonjour, présentez-vous à nos lecteurs. Qui êtes-vous et que faites-vous ?
Nous sommes Ar-déco et Albert Foolmoon, dessinateurs, et nous nous sommes associés en 2013 pour créer un atelier de sérigraphie d’art à Lille : Sabordage. Nous sommes spécialisés dans l’impression de sérigraphie en tirage limité pour des artistes et des petites structures culturelles à moindre coût : affiches, graphzines (livres de dessins sérigraphiés), livres d’art, tee-shirts, sacs, pochettes de CD, de vinyles…
Pourquoi la sérigraphie, justement ? Est-ce une passion ou un travail ?
La sérigraphie est arrivée dans la vie de l’un et de l’autre via un autre atelier dans lequel nous avons collaboré pendant 2 ans. L’envie nous a pris de créer le notre pour nous auto-produire, et quelle joie, pas moins de 40 affiches en 6 mois. Puis nous avons commencé à faire des collaborations avec des artistes que nous aimions, et les commandes sont venues ensuite pour payer toute cette passion et aussi parce que ce sont parfois des challenges, et grâce à tout cela, on se perfectionne. Ce n’est pas un travail au sens où nous refusons des demandes qui ne sont pas du domaine de l’artistique, et que nous ne sommes pas à l’atelier tous les jours.
Nous savons que vous faites de la sérigraphie sur tee-shirt, mais aussi sur poster. Que préférez-vous ? Quelles sont les différences entre ces deux types d’impression ? Utilisez-vous également d’autres supports ?
Nous préférons largement l’impression sur papier en multi-couleurs, étant artistes nous-mêmes le rapport à l’image et à l’estampe est prioritaire sur le textile. Faire des affiches sérigraphiées, c’est pouvoir multiplier nos dessins et les proposer à très petits prix, le plus souvent à 20€, et ainsi disséminer notre travail un peu partout.
[Albert] Et puis on est un peu spécialisés dans l’impression ultra précise, de part mon travail qui s’approche de la gravure dans la finesse.
[Ar-deco] Pour le textile, nous n’avons pas de carrousel, donc on ne fait qu’une couleur unique, on bosse sur textile essentiellement pour des tote bag, et des tee-shirts pour les groupes de musique. C’est assez différent dans l’approche mais tout aussi intéressant de savoir que les visuels se promènent dans la rue. On a un peu bossé sur du bois, et fait à une époque pas mal d’autocollants.
Si vous deviez expliquer la sérigraphie à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, que diriez-vous ?
La sérigraphie, c’est le contact manuel avec l’impression, chaque pièce a été produite à la main, sans machine. Ce sont des pièces d’art mais qu’on peut vendre à moindre coût, c’est une conception assez politique au final : ne pas réserver l’art à ceux qui peuvent se le payer. C’est aussi prendre du temps pour sortir un bel objet, c’est l’amour du petit défaut, de la pièce unique, même si nous mettons tous nos efforts à la perfection. Et puis avoir son atelier chez soi n’engage finalement que peu d’argent pour acheter le matériel.
À quoi pensez-vous lorsque vous faites de la sérigraphie et que faites-vous lorsque vous n’en faites pas ?
Quand nous imprimons pour d’autres, on est assez stressés donc on pense essentiellement au travail qu’on fait sur le moment, se concentrer, être le plus précis possible. Lorsque nous imprimons nos productions, nous sommes un peu plus laxiste. Et en dehors de l’atelier, nous dessinons chacun de notre côté pour soi en vue de nouvelles affiches ou des tee-shirts, ou pour des collaborations dans des livres ou des journaux.
Technique de sérigraphie : citez quelque chose de simple et quelque chose de difficile. Quelque chose qui vous plaît particulièrement et quelque chose qui vous ennuie.
Ce qui est simple et magique, c’est de relever le cadre et de voir que c’est imprimé, quand nous faisons des démonstrations avec des personnes, enfant comme adulte, qui n’ont jamais imprimé et qui le font la première fois avec nous, c’est ce qui ressort. « Wouah ca a marché et je l’ai fait de mes mains ». Ce qui est plus difficile c’est lorsque nous nous lançons dans des grands projets comme le graphzine qu’Albert sortira fin de l’année. Il a demandé à une vingtaine d’artistes de travailler sur un thème mais les a laissés libre de choisir les couleurs, le tout en A3. Il faudra donc travailler au mieux chaque impression pour respecter le dessin de chacun-e. La difficulté est que parfois on reçoit des dessins si fins qu’on se demande si ca va passer, et avec l’expérience, ca passe.
Ce qui nous plaît, c’est l’impression manuelle en soi, l’effort physique, la joie de le faire et d’être fier de l’avoir fait. Par contre, ce qui est très ennuyeux, c’est tout de même le dégravage parce que c’est la dernière étape d’un projet, et puis ca mouille pas mal.
Eau ou plastisol ?
Nous avons un peu bossé avec la plastisol pour des autocollants, mais l’odeur est tellement forte que nous n’imaginerions pas imprimer une affiche avec. Donc nous bossons à 99% avec des encres à eau.
Que trouve-t-on dans votre laboratoire ?
Notre atelier est très petit, très encombré, surtout depuis l’acquisition d’une tiflex très grande. On y trouve de la déco autour de la thématique des pirates, des marins car nous nous appelons Sabordage, en hommage au lieu où se situe notre atelier, la gare d’eau, un ancien bras mort du canal où on réparait les péniches.