Mauvaise Foi est un collectif d’auteurs, illustrateurs et sérigraphes qui se réunissent chaque jour dans leur laboratoire de Lyon et expérimentent sans aucune limite. Nous avons interviewé Rémy qui nous raconte leur histoire.
Bonjour Rémy, présentez-vous à nos lecteurs. Qui êtes-vous et que faites-vous ?
Bonjour, j’ai 27 ans, Lyonnais depuis huit années, je suis illustrateur / sérigraphe et un des fondateurs du collectif Mauvaise Foi avec Hugo Charpentier, Manuel Lieffroy, Chloé Fournier et Benjamin Baret.
Quand est-ce que la sérigraphie est entrée dans votre vie ?
Eh bien, durant mes études artistiques. J’ai découvert la production du Dernier Cri d’abord par le biais de leurs artistes, puis je me suis intéressé à leurs techniques d’impressions car je trouvais le toucher et le rendu de leurs bouquins vraiment classe. Le hasard faisant bien les choses, à cette époque je suis aussi tombé sur un atelier de sérigraphie itinérant lors de feu le Grand Salon de la Micro-Edition à Lyon… J’étais infecté, c’était foutu.
Comment est né votre atelier Mauvaise Foi et quelle est votre mission ?
A la base Mauvaise Foi c’est surtout un collectif d’auteurs. Nous sommes cinq et étions dans la même promotion à l’école. Lors de notre dernière année nous avons créé un fanzine au nom de Laurence 666.
A la sortie de nos études on a décidé de continuer ensemble en créant le collectif. Après un an à travailler chez nous, on a trouvé un atelier, et notre envie d’être autonome dans nos productions nous a fait investir dans du matériel de sérigraphie.
Aujourd’hui l’atelier répond à des commandes pour des studios de communication, des labels de musique, des artistes… Nous avons aussi un partenariat avec un atelier d’art-thérapie.
Ca nous permet de nous ouvrir à énormément d’horizons différents et de participer à des projets culturels et sociaux très intéressants.
Vous n’êtes pas seulement un atelier de sérigraphie, mais aussi un collectif d’artistes engagés sur plusieurs fronts artistiques. Combien êtes-vous et, à part la sérigraphie, quelles sont les autres techniques que vous privilégiez ?
Nous nous partageons l’atelier entre huit créatifs.
Pour ce qui est de Mauvaise Foi, la structure comprend toujours ses cinq fondateurs, dont deux sérigraphes : Hugo et moi même. En plus de l’espace dédié à la sérigraphie nous avons une pièce consacrée à la création où nous dessinons, peignons et discutons de nos divers projets. Chaque artiste de l’atelier travaille sur sa propre production et ses commandes personnelles. Certains sont illustrateurs, d’autres font de la gravure, les suivants de la Bande Déssinée pendant que les derniers développent leur marque de fringues… Notre but en s’installant dans les locaux était de s’ouvrir à un maximum de pratiques graphiques afin de ne pas s’enfermer dans notre bulle.
Nous favorisons aussi les projets communs au sein du collectif.
Nous essayons de répondre à toutes sortes de demandes, tant que celles ci touchent à la création visuelle. Dans ces cas là, notre objectif est d’accompagner le graphisme d’un projet du commencement à sa finalité : nous proposons de créer le visuel et de le porter jusqu’à la fin de la chaîne de production en l’imprimant nous même. Du coup nous répartissons les tâches en fonction des besoins du client. C’est intéressant pour eux comme pour nous : De leur côté ils suppriment un ou plusieurs intermédiaires et nous pouvons nous investir plus profondément dans des projets qui nous plaisent.
Nous savons que vous êtes des micro-éditeurs et que vous produisez des impressions artistiques.
Pouvez-vous nous en parler ? Quels sont les avantages de l’autoproduction ?
Alors, déjà, il faut dire qu’il y a un de nos projets que nous ne pouvons plus produire dans sa totalité : c’est Laurence 666.
C’est devenu une revue annuelle de 140 pages dans laquelle environ 25 artistes se partagent un même scénario en l’enrichissant de leur style et de leurs idées. Aujourd’hui Laurence 666 demande un tirage assez conséquent, du coup on fait appel à un imprimeur offset pour l’intérieur et le façonnage du livre. Mais nous continuons évidemment à imprimer sa couverture et son poster intérieur.
Pour en revenir à l’auto-production, l’avantage c’est de pouvoir éditer nos envies, d’être libres dans les contenus et d’être autonomes dans la chaîne de production. Le champs des possibilités est infini quand on s’occupe de tout. Ça permet aussi d’évoluer artistiquement en produisant des objets concrets (affiches, livres…) et de les proposer à la vente. Comme ça on voit assez facilement les choses qui fonctionnent et celles qu’il faut remettre en question. C’est plus efficace que se fier aux éloges de Tata Mylène au repas de Noël.
D’un autre côté la micro / moyenne-édition c’est pas la panacée non plus. Elle demande un sacré investissement personnel, notamment lorsqu’on cherche à se diffuser un minimum. C’est le point le plus complexe à mon avis… Plus hardcore que le Rap Game.
Si vous deviez expliquer la sérigraphie à quelqu’un qui n’en a jamais entendu parler, que diriez-vous ?
Que c’est un truc d’ados attardés et de marginaux !
Non, pardon… Je dirai que c’est un procédé d’impression artisanal qui possède une énorme dimension artistique. Et que, de fait, chaque impression est unique.
On prépare nos encres de leurs couleurs à leurs transparences, on peut les rendre fluo, brillantes, phosphorescentes… On a la possibilité de gérer chaque détail, de les modifier même durant le tirage, ce qui n’est pas le cas avec des systèmes numériques. Et le rendu est bien meilleur.Rien que le fait qu’une illustration sérigraphiée n’ait pas le même résultat suivant l’imprimeur qui s’en occupe démontre l’intérêt du procédé. C’est une technique qui pousse à l’expérimentation et je trouve ça très gratifiant.
Sinon, généralement quand j’essaye d’expliquer ce qu’est la sérigraphie, je commence par raconter la fameuse histoire des Chinois et des Japonais du Moyen Âge qui se servaient d’un procédé similaire pour teindre leurs drapeaux de guerre. J’aime bien, ça a toujours son petit effet. Bon par contre mes talents d’historiens s’arrêtent là.
Tous les sérigraphes ont un secret. Pouvez-vous nous dévoiler une astuce technique que vous utilisez souvent lorsque vous imprimez ? Ou un « truc » que vous avez inventé pour résoudre un problème d’impression ?
Eh bien, on va vous surprendre, mais nous imprimons sobre ! Une exception dans le monde de l’impression artisanale.
Eau ou plastisol ?
J’ai appris la sérigraphie papier lors d’un stage avec de l’encre à solvant : j’ai su très vite que lorsque j’aurais mon matériel je passerai à l’encre à l’eau.
Elle est beaucoup moins contraignante que les autres compositions qui demandent un stockage des eaux usées et une ventilation digne de ce nom… Et puis on tient quand même pas mal à notre santé !
Que trouve-t-on dans votre laboratoire ?
Une grande table manuelle d’impression papier, un carrousel 4 couleurs, des encres à eaux, deux claies de séchage, des toilettes, un lavabo, des écrans qui bouchent le passage, de vieux livres à l’abandon, un canapé pour les micro siestes quand on est à la bourre sur notre planning… Un mur de néons fait main, un bac de rinçage, du papier, des tee-shirts… Vous plannifiez un cambriolage c’est ça ?
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